Prière

Ô vous, hommes et femmes dont les noms sont gravés sur la pierre au-dessous de laquelle je deviendrai charogne, puis squelette, enfin poussière d’entre vos poussières, ne me jugez qu’avec la tendresse que vous manifestiez au meilleur de vos jours.

N’ouvrez pas le gros livre où vous avez consigné mes forfaitures et mes défaillances, mes scélératesses et mes fautes, mes lâchetés et mes négligences, car, seriez-vous tentés d’en proposer quelques pages à ma lecture, je n’emporterai pas de lunettes. Récompensez-moi d’avoir beaucoup lu sur terre en me dispensant de lire dessous le livre de mon indignité.

Recevez-moi comme un fils, comme un petit-fils, comme un petit-neveu ou un cousin. À votre admiration je préfère votre affection ; à votre étonnement, votre bonté ; à votre fierté que je sois des vôtres, votre tolérance que vous soyez des miens.

Vous qui savez, troglodytes sous chrysanthèmes, si l’au-delà se limite à notre pré carré ou si notre tombe est l’antichambre d’un palais des merveilles ou le sas d’une mer dans laquelle les dauphins jouent avec les anges, attendez, je vous prie, puisque c’était mon métier de poser des questions, que je vous demande si Dieu est une chimère ou l’avéré Tout-Puissant.

Vous qui détenez le secret, ce secret serait-il de n’en être pas un, ne vous moquez pas de mon pauvre savoir, ne riez pas de mes peurs, ne vous gaussez pas de mon scepticisme ou de ma crédulité, je n’aurai été qu’un songe-creux errant dans un monde exténué d’affectation et de vanité.

Ô vous, hommes et femmes dont les noms sont gravés sur la pierre au-dessous de laquelle je deviendrai charogne, puis squelette, enfin poussière d’entre vos poussières, accueillez-moi avec amour.

Ainsi soit-il.

> Foi

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