Étymologie

Du latin etymologia, du grec etamos, vrai, et logos, science, étude : étude de l’origine, de la filiation des mots.

Bernard Frank a comparé l’étymologie à « une bonne fille qui remonte toujours ses jupes ». Pas bégueule, en effet, elle se déboutonne, elle se déshabille, elle dévoile, elle donne à voir ce qui était caché.

L’étymologiste demande aux mots leurs papiers. Il n’y a pas de sans-papiers chez les mots. Rien de plus facile que de leur en donner : il suffit d’écrire le mot sur un papier. Reste à savoir d’où il vient : du latin ? du grec ? de l’arabe ? de l’anglais ? de l’occitan ? du gaulois ? du wallon ? du hottentot ? du bas normand ? C’est rare, mais il peut arriver que les Maigret de l’étymologie calent. Ils ignorent de quel pays ou de quelle province ont débarqué certains mots, comme bobèche, frusquin ou moutard. Ils ont beau les cuisiner, les menacer, les cajoler, les secouer : ils ne disent rien. Alors ils écrivent sur leur fiche d’identité « origine inconnue » ou, si l’enquête avance mais patauge, « origine douteuse » ou « obscure ». Mais ces mots apatrides naturalisés français ont les mêmes droits et les mêmes devoirs que les autres mots du dictionnaire. D’ailleurs ils bénéficient eux aussi du classement par ordre alphabétique. Pas de discrimination (du latin discriminatio).

Il en est de l’étymologie comme de la généalogie : le jeu est de remonter le plus haut possible. De dater et d’attester. Lascar, 1553 ; olibrius, 1537 ; fisc, 1278 ; saucisse, 1268 ; satrape, 1265 ; épître, 1190 ; compère, 1175 ; couard, 1080 ; école, 1050 ; mot, 980, qui dit mieux ? La plupart des mots sont increvables. Plus ils sont actifs, mieux ils se portent. Ils tirent de leur étymologie bien davantage que du sens et de l’utilité : santé, force, vigueur génétique, énorme espérance de vie. De nombreuses fois centenaires, tous ces mots circulent allégrement, sans carte senior. Ils nous enterreront tous.

L’un des regrets de ma vie est de n’avoir pas fait de latin ni de grec. Mes parents m’avaient collé pensionnaire dans un lycée moderne qui, avec une pédagogie moderne, préparait au baccalauréat dit moderne. Les chiffres étaient modernes, les lettres ne l’étaient pas. Après la guerre, il apparaissait que l’avenir serait plus l’affaire des matheux que des littéraires. C’était pertinemment vu. Mais le mot avenir peut bien nous la jouer libre, jeune, nouveau, mode, révolutionnaire, brillant, il ne nous fera pas oublier que lui aussi descend modestement du latin.

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