Accro aux textos ! J’en envoie en rafales. Quand ça me prend, je ne peux plus m’arrêter. Un texto en introduit un autre comme un caramel en appelle un autre. Envoyer des textos en mangeant des caramels est une double et délicieuse servitude.
Il y a toutes sortes de textos : des bouteilles à la mer, des textes d’informations pratiques, des messages d’amour, des appels au secours, des farces et attrapes, des rappels à l’ordre, des pensées, maximes et apophtegmes, des propos injurieux, des rébus d’ados, de la poésie, des mots pour passer le temps et ne pas se sentir seul…
Le texto est le moyen le plus rapide et le plus discret de dire : je suis, j’existe. Certains autistes font chauffer les claviers.
Les textos les plus amusants sont ceux qui ressemblent à des parties de ping-pong entre deux correspondants. Dialogues spontanés, questions-réponses immédiates, fulgurantes répliques, ripostes amusantes, mots écrits qui vont de l’un à l’autre presque à la vitesse de la parole. Et si les deux « textologues » sont séparés par deux ou cinq mille kilomètres, la conversation n’en est que plus appréciée tant elle paraît tenir du miracle.
Où êtes-vous, Marguerite Duras, que je vous envoie des textos pour en recevoir de vous qui seront beaux et énigmatiques ? Les vôtres, Gombrowicz, seront burlesques, sarcastiques, obscurs, mais ne jugerez-vous pas les miens trop convenus pour faire l’effort d’y répondre ? Quel est votre numéro de portable, chère Colette, pour que je vous donne des nouvelles de l’académie Goncourt ? Monsieur Panaït Istrati, une de mes amies attend depuis longtemps vos textos. Je vous transmettrai son numéro. Comme je vous transmettrai, San Antonio, le numéro d’un grand médecin de la Pitié-Salpêtrière, pneumologue de mes amis, l’un des Français qui connaissent le mieux votre œuvre, et à qui vous réserverez vos fulgurantes et désopilantes trouvailles.
Les lettres, on ne sait jamais si elles ont été reçues. Elles mettent trop de temps pour arriver à destination. Les textos sont rapides et sûrs. Leur brièveté est adaptée à la communication d’outre-tombe. Sitôt partis, les mots se diluent dans l’espace et se rassemblent aussitôt sur le petit écran visé, situé quelque part sur la terre ou dans le ciel. Où êtes-vous, Antoine Blondin, Nathalie Sarraute, Henri Thomas, Jean-Edern Hallier, et vous encore, Roger Vrigny, Jean Cau, Alexandre Vialatte, Jean Cocteau, dont le talent s’exprimerait à merveille dans la concision et le naturel du texto ?
Dans un échange mené rondement j’avoue négliger souvent les accents, les traits d’union et les virgules, alors que j’abuse des points d’exclamation ! On a raison de me croire incapable d’écrire des textos dans la langue phonétique des jeunes. Je suis content qu’ils aient remis au goût du jour une expression tombée en désuétude : a1dc4 (à un de ces quatre).
Autre nom du texto, le SMS, sigle anglais qui signifie, la plupart des Français l’ignorent, Short Message Service.