Baguenaudier

Le baguenaudier est un arbrisseau qui était très répandu, en bordure des vignes, dans la vallée du Rhône. De belles fleurs jaunes en grappes, des fruits amusants, appelés baguenaudes, qui font un bruit sec quand on presse leurs gousses remplies d’air. Malheureusement, le baguenaudier a été victime de cette idée sotte que ce qui ne rapporte rien ne sert à rien. On en a tellement coupé, dans les années soixante et soixante-dix, que Vladimir Nabokov lui-même a protesté. Parce que le baguenaudier est la seule plante nourricière d’un certain papillon diurne qui, pour les lépidoptéristes, est d’un intérêt égal à sa séduction.

Nabokov a inventé ou découvert des espèces. C’est lui qui a réuni la collection de papillons du musée de Harvard. Même si ses écrits scientifiques sont plus contestés que ses romans, il impressionnait les entomologistes par ses connaissances, et amusait les vacanciers par sa chasse aux papillons, muni d’un filet sorti des accessoires des Vacances de Monsieur Hulot.

Vladimir Nabokov se récriait contre les gendarmes qui ne faisaient pas de distinction entre le savant et les « marchands de curiosités » qui capturent par vénalité des individus d’espèces menacées. Il fulminait contre les vignerons, massacreurs de baguenaudiers, et donc de papillons, « les cultivateurs avec leurs pesticides infernaux », « les crétins qui brûlent des pneus et des matelas sur les terrains vagues. Voilà les vrais coupables, et pas le savant sans lequel un gendarme ne pourrait distinguer un papillon d’une chauve-souris » (Apostrophes, 30 mai 1975).

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