Macho

Dans les années cinquante et soixante, employait-on le mot macho ? Je ne crois pas. Je l’étais un peu, comme tous les hommes de ma génération. Mais, marié à une femme qui travaillait, comme moi journaliste, j’étais moins enclin à montrer la supériorité sociale de l’homme que ceux qui avaient épousé une femme au foyer et l’y maintenaient en lui faisant des enfants.

N’étant pas professionnellement un homme de pouvoir, redoutant même son exercice, je n’étais pas porté à prendre au domicile conjugal des décisions unilatérales. J’avais le conjungo démocratique. Et même accommodant.

Quand les mouvements féministes dénoncèrent le sexisme, la phallocratie, le machisme, je me dis que les femmes n’avaient pas tort, même si certaines, avec une rage de fouisseuses, voulaient déraciner le phallus comme on déracine un totem. Dans mes chroniques du Point et d’Europe 1, je m’amusais des excès de ces viragos. N’empêche que, désormais, je surveillais mes paroles et mes actes pour ne pas me conduire en macho. Je ne le suis pas ou ne le suis plus depuis longtemps. Mais ai-je eu raison ?

Beaucoup de femmes adorent les machos, ces mecs qui décident pour elles, qui portent beau l’égoïsme du mâle, qui considèrent que la virilité leur donne droit à des privilèges, qui ne s’embarrassent pas d’une galanterie jugée surannée pour affirmer leur autorité. Avec ces hommes-là elles se sentent en confiance. Il ne leur déplaît pas d’être à l’occasion leurs servantes pour être mieux leurs maîtresses. Elles se retrouvent avec volupté dans une tradition biblique de la femme.

Je me souviens d’une belle personne qui, au retour de notre première promenade, s’agenouilla pour me retirer mes chaussures. Malgré mes protestations et les dérobades de mes pieds, elle y parvint. Je lui dis de ne jamais refaire cela qui me gênait, même si c’était agréable. Elle recommença. Elle n’aimait pas que je l’aide à mettre ou à desservir la table du petit-déjeuner. Elle préférait que je lise ou que j’écoute de la musique pendant qu’elle s’activait. À mon corps défendant, je me comportais comme un petit roi macho. Elle y prenait un certain plaisir de « femelle », c’est elle qui employait le mot. Je l’en privais quand, me rebellant, je m’efforçais de l’aider.

Bientôt, je m’avisai que le retrait des chaussures était une invite à de plus substantiels dépouillements…

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