Cauchemar

Encore une inégalité entre les hommes : les cauchemars. La plupart sont abonnés à des cauchemars banals, qui ne sont que les répétitions aggravées des angoisses éprouvées dans la vie courante. Ouverts ou fermés, les yeux frémissent sur des images de faits divers, des scènes de la hantise ordinaire. On dort mal, on se réveille en sueur, le cœur en déroute, et quand nous nous rappelons ce qui nous a mis dans cet état, nous sommes consternés par la médiocrité du scénario.

Et puis il y a ceux, les veinards, même s’ils ont très peur, qui font des cauchemars dont l’originalité atteste de la créativité de leur inconscient. Soit ils sont ailleurs, dans un autre monde ou dans un autre temps, où de terrifiantes métamorphoses les jettent dans des paniques inédites ; soit ils restent sur notre plancher des vaches, mais il y a de la poésie, du surréalisme, et même de la métaphysique dans l’orchestration nocturne de leur pétoche.

Mes cauchemars appartiennent, bien sûr, à la première catégorie, pour psychanalystes stagiaires.

Mais n’est-il pas normal que le réel colle de nuit comme de jour au cérébral des journalistes ? Les poètes, les romanciers, les auteurs dramatiques, les cinéastes, eux, peuvent et doivent se laisser aller.

À propos…

On disait autrefois : « Couche-tard, cauchemar. » Plaisante allitération pour expédier les enfants et les adolescents se coucher de bonne heure.

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