Noces

Je tombais amoureux, c’était fatal, pendant les vendanges (je l’ai raconté dans le Dictionnaire amoureux du vin) et pendant les mariages.

Déjà, petit garçon en culottes longues flanqué d’une petite fille en robe de mousseline blanche ou rose, je m’empressais auprès d’elle, lui donnant des bisous, dans le sillage de la traîne de la mariée. Peut-être étais-je déjà sensible au parfum de sensualité qui flotte dans l’air du jour des noces ?

Adolescent, puis jeune homme, j’étais un cavalier à qui les futurs mariés ou leurs parents attribuaient une cavalière. Nous formions l’un des couples de la cérémonie. Généralement, j’étais assez chanceux. Ma cavalière me plaisait, et quand, enfin, on pouvait se lever de table pour danser, je ne la lâchais plus, comme si, à l’exemple des jeunes mariés, nous étions promis à une nuit d’amour. Aujourd’hui ces dénouements rapides sont fréquents, alors qu’à l’époque ils étaient inenvisageables.

Je me rappelle être tombé raide amoureux d’une cousine, lointaine par les liens familiaux et par sa vie en Provence, et à laquelle, sitôt repartie chez elle, j’envoyai une lettre d’amour et de quasi-demande en mariage.

Quand ma cavalière ne m’inspirait pas, j’en entreprenais une autre, ou je jetais mon dévolu sur une femme de la noce, bien plus âgée que moi, qui s’étonnait de la fréquence de mes regards et de mes invitations à danser. Probablement s’en amusait-elle et peut-être était-elle flattée de sentir contre elle, dans les slows, l’effet dissimulé mais quand même flagrant de sa séduction.

Une journée de mariage est une journée très particulière puisqu’on est assuré qu’un couple la terminera en faisant l’amour. D’où le charivari, les farces médiévales, les blagues grossières, le ramdam autour du départ et du lever des nouveaux mariés. Je n’y participais pas. Ce qui me faisait rêver et excitait ma libido, en ces temps où même l’expression « faire l’amour » se prononçait en catimini, c’était la représentation imaginaire des deux jeunes mariés, nus, dans un lit. Il me semblait que tous les couples de la noce auraient dû faire de même. Moi compris, bien sûr, avec ma cavalière ou la femme de mon choix, puisque j’en étais amoureux.

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