Mot vulgaire pour le Petit Larousse ; familier pour le Petit Robert ; très familier pour le Grand Robert. Existe-t-il un adjectif entre familier et vulgaire ? Populaire, peut-être. Même s’il désigne le bas de l’homme, ce n’est pas un mot bas comme le prétend le Littré. C’est un mot de charpente, du cadastre, du foncier. C’est un mot des architectes du corps, spécialistes des encorbellements. Ce n’est pas parce qu’on s’assied sur le cul qu’il est permis de s’asseoir sur le mot. Ce n’est pas parce que, stupéfait, l’on tombe sur le cul qu’il faut mépriser le mot. Rabelais, Montaigne et Saint-Simon lui ont donné ses lettres de noblesse. Trois seulement. Dont une inutile puisque le l ne se prononce pas. Délicate retenue que l’on ne retrouve pas dans les mots culot, culotte, culbuter, acculer, enculer, reculer, etc.
Quand cul se contente de désigner le fondement, le derrière, les fesses, l’arrière-train, la croupe, le croupion, la lune, etc., il échappe à l’accusation de vulgarité. D’autant qu’il nous a donné des mots bien honnêtes comme cul-de-lampe, cul-de-sac, cul-de-poule, cul-de-jatte, cul de plomb, cul de bouteille…, ou des expressions comme boire cul sec…
C’est quand il prend la place du sexe, lorsqu’il résume à lui seul la sexualité, ou qu’il est synonyme de pornographie, qu’on le taxe de vulgaire et même, dans le Dictionnaire de l’Académie française, de trivial. Des histoires de cul… Un film de cul… Avoir le feu au cul (l’expression signifie aussi courir très vite)… Une femme qui montre son cul (donc pas seulement ses fesses)… Le cul mène le monde…
Cette façon hypocrite qu’a le sexe de charger le cul de tous ses actes est un procédé de rhétorique : une synecdoque. Synecdoque n’est pas un gros mot. Cette figure de style consiste à prendre le plus pour le moins ou, dans le cas du cul qui se substitue au sexe, le moins pour le plus. Dans cette affaire, le sexe se comporte comme un faux cul.
François Villon ne savait sûrement pas qu’il employait une synecdoque sexuelle quand il écrivait, à propos d’une femme qu’il n’aimait plus : « Plus n’en ai le croupion chaud… »
Cucu ou cucul : niais, cornichon, ridicule. Mieux, parce que plus imagé, plus amusant : cucul la praline. Ou, argotique : cucul la praloche. Cucul n’est pas réservé aux hommes. On peut dire : « Cette meuf, quelle cucul la praline ! »