Tact

Aujourd’hui, le tact a quelque chose de suranné. On prend le tact pour de la prudence, de l’autocensure, de la mièvrerie, alors que c’est une manifestation intuitive de l’intelligence liée à la sensibilité. Comme ça, en un instant, on saisit qu’il ne faut pas dire ceci ou faire cela pour ne pas froisser, blesser, choquer ou humilier. Y céder n’est pas un crime, mais, par manque de tact, on aura fait la preuve que l’on n’est pas un artiste des relations humaines.

Plus la peau de l’autre est tendre, plus le toucher doit être léger. Sur les peaux dures on peut se laisser aller. Sauf que l’on n’a pas toujours une connaissance exacte de l’épaisseur et de l’élasticité des épidermes. Nous nous trompons même sur le nôtre. Nous nous croyons blindés et une piqûre de moustique nous fait mal. C’est pourquoi il est rare que nous manquions de tact vis-à-vis de nous-mêmes.

De l’évaluation spontanée de l’impact d’un geste ou d’une parole dépend le tact que l’on a ou que l’on n’a pas. Parfois, se retenir de lancer une repartie, un bon mot, une apostrophe demande presque de la grandeur d’âme. S’en priver est très frustrant. Mais rien n’est pire que d’observer sur une personne que l’on aime ou que l’on admire le silence, le sourire feint ou la mine froissée provoqués par une petite morsure dont nous ne sommes visiblement pas mécontents.

Загрузка...