Ça

Ça n’a l’air de rien. On emploie ce pronom démonstratif de deux lettres sans y penser, presque machinalement. Qui ça ? Où ça ? Ça va ? Ça roule ? Ça marche ? Ça biche ? Ça urge ! Ça me démange ! Ça sent quoi ? Comment ça se présente ? À part ça ? Oh ! pour ça…

Mon premier ça fut professionnel. Dans l’épicerie de mes parents où j’étais un vendeur intermittent du jeudi et du dimanche matin, je demandais aux clientes, après une première vente : « Et avec ça, madame ? »

Contraction de cela, ça est pratique et populaire. Ça va, ça vient… Il est tellement commode, pour ne pas dire complaisant, qu’on lui a confié l’acte sexuel. À quoi rêvent les ados ? À ça. Je ne pense qu’à ça, titre d’un album de Wolinski. Peut-on résumer plus brièvement une activité à laquelle la tradition française du cinq à sept attribue deux heures de temps ?

Ça, c’est aussi, dans la bouche des polémistes ou sous la plume des écrivains, un mot terrible chargé d’ironie, de dédain ou de mépris. Ça, c’est-à-dire pas grand-chose, trois fois rien.

« Mme de Staël regardait un jour M. de Barante dans une sorte de contemplation rêveuse. Tout à coup, elle s’écria :

— Quand je pense que j’ai aimé ça ! » (Victor Hugo, Choses vues).

« Gilbert, le pédéraste, rentrant par hasard dans le cabinet de toilette d’Émilienne d’Alençon, la trouvant à cheval sur le bidet et, du bout de sa canne, montrant avec dégoût l’entrejambe de la belle prostituée : “Quand on pense que c’est avec ça qu’on nous prend nos hommes !” » Paul Morand, Journal inutile, 1968–1972 (c’est Morand qui a souligné le ça).

Mais ça peut aussi désigner du beau et du bon. Vous devriez lire ça… C’est bien comme ça… Ça, c’est Paris !

« Le triomphe culinaire de la Bonne-Franquette, c’était un veau aux carottes, un de ces veaux aux carottes dont les véritables amateurs s’écrient : Je ne vous dis que ça ! » (Alphonse Allais, Amours, délices et orgues).

Un dessin de Sempé met en scène un homme qui, se contemplant avec satisfaction dans une glace, s’exclame : « Quand je pense que ça va disparaître, un jour, ça ! »

À propos…

Couci-couça : moyen, ni bien ni mal, entre les deux. « Comment allez-vous ? — Couci-couça. »

Pour amateurs de conjugaison : « Savez-vous coudre ? — Couci-couça. »

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