Aujourd’hui

Voici, pour moi qui suis journaliste, le plus beau mot de la langue française : aujourd’hui.

Hier est un mot d’historien ; demain un mot de futurologue. Aujourd’hui est beaucoup plus limité dans le temps, à son échelle d’une brièveté éjaculatoire, mais il contient l’essentiel : le présent. C’est du direct. Comme on dit à la télévision, du live. Nous avons avec le jour d’aujourd’hui une proximité, une intimité qu’aucune autre période de temps ne peut nous fournir. Plus nous vieillissons, plus se distendent nos liens avec le passé. Et rien n’est plus incertain que nous en ayons avec l’avenir. Seul le présent atteste de la vie. Aujourd’hui est le mot sur lequel, chaque matin, s’ouvrent nos yeux et s’éveille notre esprit. Aujourd’hui sent le café et le pain grillé. Aujourd’hui est la seule date qui ne demande aucun effort de mémoire ou d’imagination. Aujourd’hui n’est pas à prendre ou à laisser : nous avons été embarqués dès sa première seconde. Aujourd’hui peut être un jour moche ou exquis, sombre ou éclatant, ou d’une répétitive et insipide banalité, mais il a commencé son double tour de cadran avec nous et nous avons continué notre vie avec lui. Nous sommes l’un et l’autre tellement liés que nous disons : « Nous sommes aujourd’hui le… »

Pour les journalistes, chaque heure, chaque minute d’aujourd’hui est de l’actualité. Nous mordons dedans avec curiosité et gourmandise. Nous en arrachons des morceaux que nous décortiquons, mâchons, ruminons, régurgitons, mijotons, apprêtons, sauçons et servons au public. J’ai eu la chance d’avoir toujours été aux fourneaux de journaux, radios et télévisions étoilés. Aujourd’hui n’y a jamais été une galère.

Enfin, a-t-on remarqué cette petite chose qui volette dans aujourd’hui, entre le muret du d et la palissade du h, libre papillon de l’écriture et de la lecture ? Une apostrophe !

À propos…

« Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui… »

Mallarmé

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