Mélancolie

Le mot est si beau qu’on voudrait souffrir de mélancolie rien que pour pouvoir la nommer. Combien de fois, chagrin, pessimiste, dans l’état d’abattement que procure une épreuve ou une contrariété, j’ai prononcé le mot de mélancolie, ressentant aussitôt un mieux-être dû à sa musicalité, à son élégance, à sa douce ondulation ? Les romantiques avaient bien compris qu’elle leur laissait assez de gouverne sur eux-mêmes pour en tirer des larmes de plaisir et des poèmes d’anthologie. Car la mélancolie est à la fois le nom d’une dépression et le nom de son antidépresseur.

Le jazz est la musique de la mélancolie. Le flamenco est trop sonore, le fado trop sombre, le tango trop agité. De la musique nègre monte une douleur sereine, une plainte allègre. Dans Magie noire, Paul Morand évoquait « cette impérieuse mélancolie qui sort des saxophones ». Des trompettes aussi. Des clarinettes et même des banjos. Le blues est si magnétique qu’à la longue il nous arrache au blues, comme les chœurs des negro-spirituals nous arrachent aux souffrances de la terre.

Il est probable que la mélancolie a été inventée par Dieu longtemps après la Création, quand il prit conscience de ses erreurs. Ainsi l’insatisfaction des artistes se transforme-t-elle en mélancolie. Celle-ci devient alors un stimulant pour créer de nouveau.

À propos…

On ne peut pas mieux dire que « le soleil noir de la mélancolie » (double oxymore). Gérard de Nerval est pourtant resté « inconsolé ».

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