Ma méthode de lecture telle qu’elle s’est forgée au rythme hebdomadaire de mes émissions n’est pas à donner en exemple. Elle ne vaut que pour moi. Elle est le résultat de l’adaptation de mes facultés à la lecture des nombreux livres qu’imposait l’animation, chaque vendredi soir, d’Apostrophes, puis de Bouillon de culture. En gros, je devais me montrer efficace tout en entretenant le plaisir de lire. J’y parvenais ainsi :
• Lecture d’un seul livre dans la continuité, autrement dit pas de livres en alternance.
• Ne pas hésiter à abandonner la lecture d’un ouvrage jugé médiocre, décevant, inutile…
• Lire assis sur une chaise ou dans un fauteuil qui tient le corps (> Lecture (1)), de préférence devant un bureau ou une table.
• Avoir un crayon ou un stylo toujours à portée de main.
• Pas d’alcool pendant les heures de lecture. Cigare ? Oui, avec plaisir.
• Pas d’accompagnement musical.
• Téléphone le plus silencieux possible.
• Pas de méthode de lecture rapide. Sinon, comment juger le style ?
• La lecture du matin étant toujours la meilleure, la réserver aux ouvrages difficiles.
• Se méfier de son humeur. Selon qu’elle est bonne ou méchante, les livres peuvent en bénéficier ou en souffrir.
• Après lecture d’un livre très séduisant, attendre au moins une heure — si possible laisser passer une nuit — avant d’en commencer un autre afin que celui-ci ne pâtisse pas de l’impression encore très forte laissée par le précédent.
Lecture d’un livre dont j’avais invité l’auteur à l’émission :
• Procéder comme on me l’a appris à l’école communale de Quincié-en-Beaujolais : lire entièrement l’ouvrage en commençant par le début et en finissant par la fin.
• Résister à la tentation de sauter les descriptions, les digressions, les incidentes, les parenthèses, car c’est souvent là que l’on déniche matière à poser les questions les plus originales ou les moins attendues.
• Souligner les passages essentiels, les phrases remarquables ou malheureuses ; mettre une croix en haut des pages à relire pendant la préparation de l’émission ; tracer des traits dans la marge en face de paragraphes représentatifs de l’écriture ou de la pensée de l’auteur.
• Entourer les mots savants, bizarres, amusants, anciens, nouveaux… et, s’il le faut, consulter un dictionnaire.
• Sur une feuille volante ou sur l’une des pages blanches situées à la fin du volume, écrire les observations et les réflexions nées au cours de la lecture. Noter déjà les questions auxquelles l’écrivain n’échappera pas.
• Noter aussi les correspondances avec les ouvrages des autres auteurs invités. Sur quoi ils s’opposent, sur quoi leurs sensibilités ou leurs analyses les rapprochent.
• Enfin, le livre lu et refermé, lui consacrer dix minutes de réflexion pour en laisser la quintessence pénétrer la mémoire et y allumer quelques lueurs qui, peut-être, pendant l’émission, éclaireront la jugeote de l’animateur.