Fisc

Non, le fisc n’est pas un mot péjoratif comme le familier ou populaire flic. Il vient du latin fiscus, panier pour recevoir l’argent, qu’on a drôlement élargi pour en faire le « Trésor public ». Les trous dans le fond sont si béants et nombreux que l’on ne parvient plus, depuis longtemps, à les boucher.

Après le baccalauréat arraché avec les dents, comme beaucoup de jeunes gens sans envie ni imagination, je m’étais inscrit à la faculté de droit. Ça ne pouvait pas me faire de mal. C’est alors que j’eus l’idée la plus stupide de ma vie, la plus folle, la plus extravagante, la plus déraisonnable, la plus farfelue, la plus grotesque, la plus sotte, la plus burlesque, la plus saugrenue, la plus risible, mais pas la plus impayable : devenir inspecteur des contributions. Directes ou indirectes, je ne sais plus. Toujours est-il que je me suis inscrit à un cours par correspondance qui préparait le concours d’entrée à l’école officielle. Comme il était prévisible, je ne compris rien au charabia administratif. On me renvoya des travaux écrits où chaque ligne était barrée de rouge et où j’étais prié d’être un peu plus sérieux et appliqué. J’en étais bien incapable. J’eus tôt fait de m’échapper du fisc.

Quelque temps après, nuance, je lui échappai. Par un hasard malicieux, deux élèves de l’École des inspecteurs des contributions étaient devenus des amis. J’étudiais le journalisme rue du Louvre. Dans la même rue se trouvait l’une des cantines du ministère des Finances. Le prix du déjeuner y était très doux. Débrouillards, mes deux copains m’introduisaient deux ou trois fois par semaine à la table de l’administration fiscale. Quand il y avait un contrôle des cartes, ils étaient généralement prévenus. Ainsi ai-je évité tous les filtrages des inspecteurs des inspecteurs. Futurs défenseurs de l’assiette des impôts, Éric et Marc s’amusaient, quand ils n’en étaient pas fiers, de frauder le fisc au bénéfice d’un couvert usurpé.

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