Je m’efforce de lutter contre cette locution. Parce qu’elle est une scorie de l’âge.
On évoque des souvenirs, on raconte en donnant beaucoup de détails, on ouvre une parenthèse, on s’aperçoit qu’on est trop long et que l’auditoire s’y perd. Alors on referme subitement la parenthèse en disant : « Peu importe ! » Et l’on en revient au propos initial.
Ou bien, tout à coup, c’est la mémoire qui fait défaut. On bute sur un nom, sur un titre, sur une date. Quelqu’un suggère ceci, un autre cela. Non, ce n’est pas ça. On cherche, on s’énerve. Et puis on abandonne : « Enfin, peu importe ! »
Constat d’échec, « peu importe » est la conséquence chez les vieux d’une parole longue et embrouillée ou d’une perte de mémoire. Maîtriser la première est plus faisable qu’alimenter la seconde. J’en parlais à des amis plus jeunes que moi. Et j’en suis venu à leur dire, j’ouvre des guillemets, que « l’avantage de la mauvaise mémoire est qu’on jouit plusieurs fois des mêmes choses pour la première fois ». C’est une phrase de… Voyons, son nom m’échappe, non, ce n’est pas Montaigne. Non, Proust, non plus. C’est un philosophe. Enfin, peu importe !
> Mémoire